Préserver le vietnamien, c’est préserver nos racines

Dimanche, 18/08/2024 09:45
​Bien que loin de leur pays d’origine, les Vietnamiens d’outre-mer montrent une réelle détermination à perpétuer leur langue maternelle auprès de leurs enfants. Au-delà de la simple transmission linguistique, c’est toute une part de leur identité qu’ils souhaitent conserver.
Les Vietnamiens, où qu’ils habitent, restent attachés à leur langue natale.
Photo : VNA/CVN 
La famille de la Dre. Phan Bich Thiên, vice-présidente de l’Association des Vietnamiens en Hongrie, présidente du Fonds pour les relations Hongrie - Vietnam et présidente de l’Association des femmes vietnamiennes en Hongrie, en est un exemple. Son mari est Hongrois. Elle a deux filles, Thurózy Karolina My Lan, 25 ans, architecte, et Thurózy Viktória Ly Anh, 23 ans, étudiante à l’Université d’Oxford. Ses deux filles ont toujours été poussées vers la culture vietnamienne, encouragées à pratiquer la langue.

Nées et élevées en Hongrie, actuellement en formation et en emploi au Royaume-Uni, elles reviennent de temps en temps au Vietnam rendre visite à leur grand-mère maternelle. My Lan et Ly Anh maîtrisent très bien le vietnamien, grâce à la volonté de leur mère de toujours parler vietnamien à la maison avec ses enfants.

Promouvoir l’esprit national


“Mes enfants ont du sang vietnamien en elles, elles doivent comprendre leurs origines, leur identité et la culture vietnamienne avant de devenir citoyennes du monde”. Cette pensée a toujours été présente dans son esprit.

Lors des repas familiaux, des fêtes, du Nouvel An lunaire, Mme Thiên parle toujours à ses filles de la culture, des coutumes et des traditions du pays natal. Pendant le Têt traditionnel, que ce soit en Hongrie ou au Vietnam, My Lan et Ly Anh préparent elles-mêmes le banh chung (gâteau de riz gluant, carré et farci de haricots mungo, de viande de porc poivrée), cuisinent le xôi gâc (riz gluant à la momordique) avec leurs parents, et décorent la maison avec des fleurs de pêcher.

Ngô Tân Cang, qui vit à Melbourne, dans l’État de Victoria, en Australie depuis plus d’un an, raconte que ses deux enfants, scolarisés dans des écoles publiques australiennes, doivent suivre des cours extrascolaires de vietnamien. La communauté vietnamienne en Australie est très consciente de l’importance de préserver la langue vietnamienne pour leurs enfants.

Couverture de la série de livres "Chào Tiêng Viêt" de l'auteure Nguyên Thuy Anh.
Photo : VNA/CVN 
À propos des enfants qui “oublient” le vietnamien, Nguyên Thi Thu Huyên, Docteure en sciences de l’éducation et conseillère pour l’élaboration des programmes d’enseignement dans les écoles privées au Vietnam, affirme : “La plupart des écoles ont des cours de vietnamien pour les élèves vietnamiens, mais il vaut mieux que les parents renforcent le vietnamien à la maison pour leurs enfants”.

Mme Huyên souligne : “Si les enfants vivent dans un environnement où la famille et la majorité de la communauté (environ 70%) parlent vietnamien, alors ils doivent connaître le vietnamien. Pour que les enfants se développent sainement sur le plan émotionnel, intellectuel et affectif, il faut privilégier leur langue maternelle”.

Mme Huyên explique que lorsque les enfants perdent leur langue maternelle, ils se déconnectent de leurs proches et de la communauté, et risquent de subir de nombreuses conséquences notamment psychologiques. Les enfants ne se sentent appartenir à aucune communauté - ils souffrent du “syndrome de la perte d’identité” et ont du mal à atteindre un état de bonheur s’ils ne savent pas qui ils sont. Ces enfants risquent également de manquer d’émotions, d’avoir du mal à jouer avec leurs amis en dehors de leur école unilingue. Ils se sentent perdus lorsqu’ils quittent l’environnement anglophone. Ils sont également déconnectés de leur famille, incapables de communiquer avec leurs grands-parents et leurs proches si ceux-ci ne parlent pas anglais.

“Les parents doivent trouver un équilibre : si leur enfant parle anglais à l’école, il faut parler vietnamien à la maison. En tant que Vietnamiens, préservons le vietnamien pour nos enfants”, note Mme Huyên.

Équilibre dans l’acquisition des langues

Selon Hà Dang Nhu Quynh, directrice académique de DOL English et doctorante à l’Université de Reading au Royaume-Uni, il est nécessaire d’avoir un équilibre dans l’acquisition de deux langues et une répartition des rôles lors de la communication avec les enfants, afin qu’ils puissent apprendre plusieurs langues en même temps. Par exemple, dans un environnement international à l’école, les enfants parlent anglais, puis à la maison, ils parlent vietnamien avec leurs parents et grands-parents.

“La capacité d’apprentissage linguistique des enfants est très bonne. Ils peuvent apprendre plusieurs langues sans être désorientés, à condition que la répartition des langues soit faite correctement, sans mélange ni alternance entre les deux langues. Cependant, il est préférable de faire découvrir une langue à la fois aux enfants, par exemple en leur présentant d’abord le vietnamien comme langue maternelle, puis en introduisant progressivement l’anglais, et ensuite le japonais ou le français par exemple. Il ne faut pas présenter trop de nouvelles langues en même temps, car cela pourrait surcharger le cerveau des enfants. En plus des langues, ils ont aussi beaucoup d’autres connaissances et compétences à acquérir”, remarque Mme Quynh.

Pour le Dr. Nguyên Trung Nghia, vice-directeur du centre de soins de santé mentale Vinmec, l’apprentissage précoce de plusieurs langues ne provoque pas de troubles du langage chez les enfants. “En fait, de nombreuses études ont montré que l’apprentissage multilingue précoce peut apporter de nombreux avantages pour le développement du langage et de la cognition des enfants”, dévoile-t-il.

Il ajoute quelques points importants : les enfants multilingues ont généralement une pensée plus flexible, de meilleures compétences de résolution de problèmes et une mémoire de travail plus forte. Ils développent de meilleures compétences de communication et une meilleure adaptabilité à différents environnements culturels. Les enfants qui apprennent plusieurs langues ont souvent de meilleurs résultats scolaires grâce à leurs capacités de réflexion et d’analyse améliorées.

“Il n’y a aucune preuve scientifique montrant que l’apprentissage de plusieurs langues en même temps entraîne des troubles du langage. Les enfants bilingues peuvent rencontrer quelques difficultés initiales à différencier et à utiliser correctement les langues, mais cela n’est généralement que temporaire. Les enfants bilingues et multilingues développent un langage normal et peuvent atteindre les étapes de développement du langage similaires aux enfants monolingues”, conclut le Dr. Nguyên Trung Nghia.
 
CPV/VNA

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